Quand les ronds points font tiers-lieux

En 2019, trois chercheurs (géographes, chercheurs en sciences des communications) engagés dans le mouvement des Gilets Jaunes aux environs de Grenoble prennent pour terrain un rond point à Crolles. Sur la vague jaune. L’utopie d’un rond point documente la vie du rond point où se fédèrent et s’auto-organisent au quotidien des militants et décryptent les modes d’organisation de ce collectif comme une configuration sociale proche des celles des tiers-lieux. C’est ce que formule la préface du géographe Angelo Turco : “La géographie du changement citoyen est bien davantage qu’une carte de localisation. Elle met en évidence des lieux vivants, augmentés, conviviaux et habités, et va à l’encontre de l’idée même des « non-lieux ». Hors des stratégies publiques ou privées habituelles qui aménagent des lieux à priori hospitaliers mais souvent vides, de simples citoyens inventent sur les ronds-points de nouvelles places publiques où débattre. L’agora est de retour ?”. Les pratiques démocratiques qui s’expérimentent sur ce rond point – en écho à d’autres – sont analysées au plus près du terrain, des assemblées générales, des ateliers libres et autres “dispositifs apprenants” par lesquels ces espaces-temps de mobilisation citoyenne se meuvent en organisations horizontales, où l’on expérimente et l’on apprend entre pairs, par le faire, comme l’écrit Luc Gwiazdzinski dans le chapitre “La démocratie à l’épreuve” : “Sur le rond-point bricolé et hors les murs, se déploie une fonction particulière de lieu de formation et d’apprentissage par le « faire », le terrain d’émergence d’un « savoir topique » (…) Ce lieu en plein air, où l’on arrive et d’où l’on repart quand on veut, est aussi un lieu de production d’un art populaire, véritable patrimoine vernaculaire vivant en danger.” Quand les ronds-points font tiers-lieux ou la démocratie en giratoires.