Faisant référence à une définition large et ouverte de la culture, recouvrant autant les valeurs et les convictions que les langues, les savoirs, les arts, les traditions, les institutions et les modes de vie, les droits culturels se présentent comme un horizon éthique indissociable de l’action des tiers-lieux. En effet, ceux-ci composent leurs projets et fondent leur quotidien sur la diversité des activités et des pratiques, des idées et des engagements, des manières de faire et des usages qui s’y déploient et s’y partagent, parfois au prix de quelques tensions.
Bien qu’ils soient inscrits au titre des droits humains fondamentaux dans différents traités internationaux ratifiés par la France depuis 1948, les droits culturels ont dû attendre 2015 pour entrer dans l’appareil législatif français avec la loi NOTre (nouvelle organisation territoriale de la République), qui établit le respect des droits culturels dans l’exercice des responsabilités conjointes des collectivités et de l’État. De nouvelles mentions aux droits culturels ont depuis été incluses dans la loi LCAP (2016), la loi CNM (2019) et, plus récemment, la loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique (2021).
Paru en 2019, le rapport Démocratisation, démocratie et droits culturels, réalisé par Cécile Offroy et Réjane Sourisseau (Opale) pour la fondation Daniel et Nina Carasso, apporte un éclairage pluridisciplinaire sur cette notion. Sa première partie commence par retracer les principales évolutions de la notion de culture grâce aux apports de l’anthropologie et de la sociologie. Elle permet ainsi de situer les pratiques culturelles au regard des rapports de domination symboliques, post-coloniaux et sociaux, mais aussi économiques et institutionnels qui les traversent. Interrogeant la prise en compte de ces enjeux par les politiques publiques et les acteurs du champ artistique et culturel, le rapport retrace ensuite la genèse et le déploiement, tantôt complémentaire, tantôt contradictoire, des mouvements d’éducation populaire et des orientations de démocratisation et de démocratie culturelles depuis les années 1960.
La seconde partie du rapport revient sur l’insertion juridique et politique des droits culturels dans le contexte français, et sur les controverses, résistances et engouements qu’elle a pu susciter dans les mondes de l’art et de la culture. Après avoir rappelé les principes d’universalité, d’indivisibilité et d’interdépendance qui les régissent, le rapport analyse plusieurs initiatives porteuses des droits culturels et financées par la fondation Carasso. Il se conclut par la présentation de deux méthodes de mise au travail des droits culturels : la démarche PAIDEIA, inspirée des travaux de Patrice Meyer-Bisch, et l’approche fondée sur le développement des droits humains, impulsée par Jean-Michel Lucas.
Comment identifier les rapports de domination culturelle ? Comment conduire son action sans les renforcer ? Par quels moyens garantir des espaces de dialogue et de visibilité des différentes cultures en présence ? Qu’implique de construire ses pratiques institutionnelles en référence aux droits culturels ? Autant de questions incontournables pour les tiers-lieux que la lecture de ce rapport permet de commencer à travailler en réflexivité et à traduire en actes.