Lorsqu’on pense aux tiers-lieux, il nous arrive de commettre l’erreur de voir d’abord les murs avant les femmes et les hommes qui les réchauffent. Si je retire les murs, que se passe-t-il ? Un des premiers imaginaires (car je n’y suis pas allé) qui me vient à l’esprit est la zone à défendre de Notre Dame des Landes. Je me demande comment fait-on tiers-lieux à la ZAD de NDDL. Qu’ont-ils fait et qu’en disent-ils ?
Pour en savoir plus, je vous invite à vous plonger dans le travail de Margot Verdier, sociologue qui a mené une enquête au sein de la zone à défendre : Le commun de l’autonomie. Une sociologie anarchiste de la zad de Notre-Dame-des-Landes. L’autrice parcourt de nombreux thèmes de la vie en communauté. Ma sélection de témoignage de zadistes sur l’autonomie et le temps :
« L’autonomie c’est un élément d’ouverture vers… l’échange sous toutes ses formes. […] Mon autonomie à moi dépend forcément de l’autonomie collective. Je ne vais pas pouvoir me loger tout seul si on n’est pas plusieurs à construire ensemble, je ne vais pas pouvoir être bien dans ma peau si je ne peux pas parler de moi avec des gens. Se prendre en charge ou se sentir capable de faire des trucs ça veut pas dire de le faire tout seul.» Alexandre
« Ici c’est nous qui avons un rapport avec le temps, pas le temps qui a un rapport avec nous […]. C’est à dire que je sais pas quel jour on est, je sais pas quelle heure il est… Mais je sais que j’ai encore le temps…[…]. Le soleil n’est pas encore couché.» Nicolas
« Le truc qui change c’est que la vie au jour le jour est vachement plus mise en avant et en même temps une réflexion sur ce que peuvent engendrer tes actes à long terme.» Lilas
Geneviève Pruvost, sociologue au CNRS qui a travaillée à la zad évoque la pratique de don sans contre-don : « A la zad, on se retrouve assez vite à passer du statut de néophyte à celui d’occupant averti – invité et invitant, suivant un principe de don ouvert (sans attendre de retour) sui consiste à ne pas rendre à B ce qu’il vous a donné, mais plutôt à C qui le rend à D qui peut ne le rendre à personne – […]. »
Les témoignages sont parfois naïfs, parfois lucides, enthousiastes et idéalistes ou pragmatiques, mais toutes et tous les protagonistes qui s’expriment dans cet ouvrage font vibrer à leur manière le mouvement des communs. Leurs pratiques et leurs difficultés font écho aux modes d’organisation que je peux observer dans les collectifs qui font tiers-lieux. Ils et elles offrent une vue singulière sur le monde d’après qui émerge lentement mais sûrement.